jeudi 12 juin 2008

Théâtre : « Selon Gagarine... », nouvelle pièce de Nidhal Guiga







Le Temps Publié le 16.05.2008
Par : Raouf Medelgi



Au Quatrième Art, a été programmée, quelques semaines auparavant, « Selon Gagarine... », la nouvelle pièce de Nidhal Guiga qu'elle avait écrite et interprétée, il y a quelques années « Une heure et demie après moi ».






Dans sa nouvelle pièce, la dramaturge dépeint les rêves d'une génération en quête d'un monde meilleur, un monde où les opportunités et la chance de réussir dans la vie seraient au rendez-vous...L'histoire débute par le silence. Le seul langage qui attire l'œil du spectateur est celui du corps.



Sur la scène, quatre hommes au visage caché et une femme enceinte font leur entrée. Un bruit assourdissant précède leur apparition sur les planches. Dans un mouvement d'ensemble, ils regardent un point fixe, ils avancent doucement, puis c'est la panique : la femme enceinte est attaquée et on lui arrache son sac des mains.



Ensuite, l'histoire nous entraîne dans une querelle entre trois hommes, un passeur et deux fuyards qui attendent de franchir les frontières. Tout est prévu dans les moindres détails et l'heure du départ est fixée ; pourtant tout se complique et la querelle initiale révèle une deuxième querelle entre l'un des fuyards et sa sœur. Cette dernière rejoint le groupe pour dissuader son frère de partir. Lui, s'entête et s'accroche à son objectif.






Dans ce balancement entre les deux conceptions défilent l'angoisse et l'espoir d'une jeune génération. La menace approche et la fuite est imminente et vitale, pourtant les protagonistes sont prisonniers dans un lieu désert, les tensions sont palpables et les nerfs à vif font tomber les masques des convenances et le plus profond et enfoui dans l'être se dévoile au grand jour.



Le dénouement est proche mais le dessein premier change, le départ est-il encore de mise, les personnages parviendraient-ils à faire la paix avec eux-mêmes et avec les autres ?La pièce nous fait vivre quelques heures de la vie d'être en quête d'ailleurs.






L'intrigue principale est un drame psychologique dont le spectateur suit les rebondissements à travers les différents personnages : le passeur, homme d'expérience et menaçant, le frère, idéaliste et voulant fuir une sœur omniprésente, la sœur, femme dévouée et réaliste et enfin Gagarine, trouillard et comique, déterminé à quitter son existence pour en redémarrer une nouvelle loin de sa terre natale.






Avec cette peinture de caractères hétéroclites, Nidhal Guiga explore l'âme humaine pour en dégager le plus noble et le plus vil, le bon et le mauvais, le généreux et l'égoïste. Avec une finesse d'esprit et des personnages attachants, savamment interprétés par Nooman Hamda, Bassem Ennabli, Skander El Kamel et Nidhal Guiga, la pièce se fait l'écho des sociétés actuelles : les relations y sont présentées dans un mélange de tragique et de comique avec une once d'ironie.






Malgré l'intérêt que suscite le sujet et malgré le jeu des acteurs qui donne de l'épaisseur aux personnages, « Selon Gagarine... » est passée inaperçue. En effet, jouée pour la première fois lors de la journée du théâtre, on pouvait remarquer dans la salle l'absence de professionnels de la presse écrite et audiovisuelle.



En dépit du nombre d'artistes et de la présence de la télévision lors de la cérémonie d'hommage, rendu aux gens du quatrième art, qui a précédé la représentation, peu nombreux étaient les artistes qui avaient assisté à la pièce.



La programmation qui a suivi, quelques jours plus tard, est passée également inaperçue : ni la presse ni le public n'étaient au rendez-vous et le sur-titrage, qui permettait aux francophones de suivre la pièce, a été supprimé par la suite, bannissant ainsi une catégorie de spectateurs. Lors des trois représentations qui ont suivi « la première » ( en était-ce vraiment une ?), le nombre de convives étaient en décrescendo.



A qui la faute ? Où était la faille ? L'absence d'une couverture médiatique, l'inexistence de dépliants et d'affiches dans les lieux publics ont contribué à faire de l'ombre à la pièce.



Qui endossera la responsabilité d'une telle négligence ? Quel rôle ont joué les responsables du Quatrième Art dans la diffusion de l'information ? Qu'ont-ils entrepris comme démarches pour tenir le public informé ? Ces questions restent en suspend mais les plus évidentes demeurent : pourquoi faire endosser la responsabilité aux acteurs en ne prévoyant pas de nouvelles représentations ? Qui pénalise-t-on : Les artistes ? Les spectateurs ? Ou simplement le théâtre ?

Raouf Medelgi



Le temps

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