dimanche 29 décembre 2013

Livre Mathilde B. de Nidhal Guiga : Confession d’une dame de l’ombre

Livre Mathilde B. de Nidhal Guiga :

Confession d’une dame de l’ombre
 Vient de paraître chez Sud Editions, Mathilde B. de Nidhal Guiga. Un récit dans lequel l’auteure imagine la confession qu’aurait adressé Mathilde Bourguiba au commandant suprême.
  

Un récit qui retrace un pan d’une histoire personnelle se confondant avec l’histoire nationale. La  destinée d’une femme exceptionnelle qui a vécu dans l’ombre d’un homme et d’un pays rêvé… 

« Et si j’étais vraiment dans ce couloir ? 

Ce couloir si familier… 

Moi… Mathilde B.

Citoyenne française devenue pleinement tunisienne

Moi… Madame Moufida Bourguiba

Chrétienne devenue pleinement musulmane

Moi… veuve d’un soldat français

Devenue pleinement la compagne du combattant suprême puis l’épouse du premier président de la Tunisie indépendante »

C’est ainsi que commence le récit de l’apparition. Celle de Mathilde Bourguiba revenue de l’au-delà dans une Tunisie en proie aux tourments et à l’incertitude, une Tunisie qui se cherche et tente de se redéfinir et se reconstruire après le 14 janvier. Dans un couloir temporel la voix de la toute première dame de la République revient de loin pour raconter l’histoire, la sienne d’abord puis celle de l’espoir d’un lendemain meilleur pour une jeune République animée par la fougue de son président.

La vie de Mathilde

L’histoire n’a presque rien gardé de Mathilde Clémence Lorain, devenue Mathilde Bourguiba puis Moufida Bourguiba. En effet, Mathilde a vécu dans l’ombre du combattant suprême, pourtant au sein de la résistance qui allait conduire à l’indépendance, elle joua un rôle important en hébergeant les compagnons de son mari, en les aidant financièrement et en leur transmettant les directives du leader Bourguiba depuis son exil. Mais que garde réellement l’histoire de Mathilde Bourguiba ? Quelques photos officielles datant d’avant 1961 où elle était encore la première dame du pays avant son divorce ? Ou un nom inscrit sur une pierre tombale depuis 1976 dans le mausolée construit par Bourguiba à Monastir ?

Engagée dans la résistance pour l’indépendance de la Tunisie, elle fut décorée par Habib Bourguiba lui-même du Grand Cordon de l’Ordre de l’Indépendance et de l’Ordre du mérite. Pourtant l’opinion publique méconnait ou ignore la participation de Mathilde dans la réussite de Bourguiba le résistant, puis de Bourguiba le président.

Une voix d’outre tombe

Dans son récit, Nidhal Guiga rend hommage à cette femme d’exception et prête sa plume à la voix d’une Mathilde fictive qui raconte sa vie, ses tourments et ses espoirs sur un ton intimiste qui fait entrer le lecteur dans l’univers d’une femme à la fois touchante et sincère.

En porte à faux entre la réalité et la fiction, l’auteure suggère les faits historiques auxquels elle greffe les vies presque ordinaires de Rosa, Tarek ou encore Zouzi. Des personnages qui accompagnent le mythe Bourguiba à travers adoration et détestation mais lui redonnant, en même temps, sa dimension humaine.

Dans cette confession, Mathilde se tait et son silence est aussi éloquent que sa parole. Les mots tus animent le récit. L’histoire se suspend, recommence ailleurs pour s’interrompre à nouveau comme si Nidhal Guiga laissait au lecteur le soin de parachever l’histoire, d’en imaginer les bouts manquants et de participer à l’écriture de l’histoire.


« Moi… Mathilde B. Citoyenne française devenue pleinement tunisienne »


Outre son aspect intime, Mathilde B. pose en filigrane la question de l’identité. En effet, Mathilde Clémence Lorain, veuve d’un soldat français mort pendant la première guerre mondiale en défendant la bannière tricolore, devient une figure de la résistance clandestine pour la libération de la Tunisie de sous le joug du protectorat français. Traitresse ou sympathisante des causes justes ? La question se pose mais la réponse est autre car Mathilde Bourguiba est tout simplement une femme amoureuse. Sa « tunisianité » obéit à la loi du cœur. En recevant ses distinctions en 1958, elle dira à son mari : « Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait pour toi et pour ton pays ».

Ce sont ce don de soi et cet amour que les mots dits et les mots tus démontrent au fur et à mesure que le lecteur progresse dans le récit. L’adresse, d’abord au mari puis aux Tunisiens, invite à réfléchir sur les valeurs du passé et de l’histoire avenir. Puis ce questionnement sur l’identité incite à s’interroger sur l’ouverture sur l’autre, sur les choix de vie et sur l’arbitraire d’une appartenance dictée que chacun peut changer et modifier ainsi le cours de l’histoire.


A travers la confession d’une Mathilde méconnue, toute l’histoire d’un pays est transcendée. Nidhal Guiga a imaginé un récit touchant et invitant à la réflexion. Sous les traits de la fiction, elle fait ressurgir des plis de l’Histoire, le visage des protagonistes qui en ont   dévié le cours. 

Raouf MEDELGI

Mathilde B.,  par Nidhal   Guiga,  Sud Editions,  Mai 2012, 68 pages, Prix : 5dhttp://www.letemps.com.tn/article-68166.html



Aucun commentaire: